20 juin – Dénominateur commun
J’avais à peine dormi. Aucun d’entre nous n’était en état de marcher dans une forêt boueuse, mais nous n’avions pas le choix.
— Tout le monde va bien ? ai-je lancé à la cantonade. Alors, allons-y.
Link a effleuré son bras et grimacé.
— Je me suis déjà senti mieux, a-t-il répondu. Genre… tous les autres jours de ma vie !
La coupure au-dessus de l’œil de Liv commençait à cicatriser.
— J’ai connu pire, a-t-elle soupiré, mais c’est une longue histoire qui implique le stade de Wembley, un trajet épouvantable en métro et bien trop de kebabs.
J’ai ramassé mon sac couvert de terre.
— Où est Lucille ? ai-je demandé.
— Va savoir, a répliqué Link après avoir scruté les parages. Cette chatte passe son temps à disparaître. Je comprends pourquoi tes tantes l’attachaient à leur corde à linge.
J’ai sifflé, sans résultat.
— Lucille ! Elle était là quand nous nous sommes levés.
— Ne t’inquiète pas, mec. Elle nous retrouvera. Les chats ont un sixième sens.
— Elle en avait sans doute marre de nous suivre, dans la mesure où nous n’arrivons jamais nulle part, a bougonné Ridley. Cette chatte est beaucoup plus intelligente que nous tous réunis.
Après ça, j’ai perdu le fil de la conversation. J’étais trop occupé à écouter celle qui se déroulait dans ma tête. Je n’arrêtais pas de penser à ce que Lena avait fait pour moi. Pourquoi m’avait-il fallu autant de temps pour comprendre ce que j’avais juste sous le nez ? J’avais subodoré que, durant ces mois, Lena s’était punie. L’isolement volontaire, les photos morbides de pierres tombales accrochées aux murs de sa chambre, les symboles des Ténèbres dans son cahier à spirale et sur son corps, les vêtements de son oncle, et même sa fréquentation de Ridley et de John – rien de tout cela ne m’avait concerné. Ça n’avait concerné que Macon.
Je n’avais cependant pas réalisé que j’étais complice. Lena avait eu droit à un rappel constant du crime pour lequel elle se condamnait. Un rappel constant de ce qu’elle avait perdu.
Moi.
Elle avait été obligée de me croiser tous les jours, de me tenir la main, de m’embrasser. Pas étonnant qu’elle se soit montrée aussi brûlante et froide, me couvrant de baisers à un moment pour, l’instant suivant, me fuir. Me sont revenues les paroles de la chanson répétées à l’infini sur ses murs.
« Courir pour rester sur place. »
Elle n’arrivait pas à partir, et je la retenais. Dans mon dernier rêve, je lui avais dit que j’étais au courant du marché. Je me suis demandé si elle aussi avait rêvé, si elle savait maintenant que je partageais son fardeau secret. Qu’elle n’avait plus à le porter seule.
Je suis tellement désolé, L.
J’ai guetté sa voix dans les recoins de mon esprit, traquant la plus infime possibilité qu’elle m’écoute. Si je n’ai rien perçu, j’ai vu quelque chose, des images en accéléré à la périphérie de mon champ de vision. Des clichés défilant devant moi comme les voitures sur la voie rapide de l’autoroute.
Je courais, sautais, me déplaçais si vite que je ne me concentrais sur rien. Pas jusqu’à ce que mes yeux s’adaptent, comme déjà deux fois auparavant, et que je discerne des arbres, des feuilles et des branches. D’abord, je n’ai distingué que le son des feuilles sous mes pas et celui de l’air qui sifflait à mes oreilles. Puis des voix ont résonné.
— Nous devons faire demi-tour.
C’était Lena. Suivant le bruit, je suis entré sous le couvert des arbres.
— Impossible. Tu en es consciente.
Le soleil filtrait à travers la ramure. Je ne voyais que des bottes : les vieilles éculées de Lena, les lourdes et noires de John. Ils se tenaient à quelques pas de là. Ensuite, j’ai aperçu leurs visages. Lena arborait une expression têtue que je connaissais bien.
— Sarafine les a trouvés. Ils sont peut-être morts, à cette heure !
John s’est rapproché d’elle et a tressailli, comme quand je les avais surpris dans la chambre à coucher. Un réflexe involontaire, une réaction à une douleur quelconque. Il a regardé les prunelles dorées de Lena.
— C’est à Ethan que tu penses ?
Elle a détourné les yeux.
— À tous, a-t-elle répondu. Tu ne t’inquiètes même pas pour Ridley ? Elle a disparu. Tu ne crois pas que ces deux incidents sont liés ?
— Quels incidents ?
Lena s’est raidie.
— La disparition de ma cousine et la soudaine apparition de Sarafine.
Il a pris sa main et entremêlé ses doigts dans les siens comme j’avais eu l’habitude de le faire.
— Elle est toujours quelque part, Lena. Ta mère est sûrement l’Enchanteresse des Ténèbres la plus puissante du monde. Pourquoi voudrait-elle s’en prendre à Ridley, l’une des siennes ?
— Aucune idée, a marmonné Lena en secouant la tête, sa détermination commençant à faiblir. C’est juste que…
— Quoi ?
— Même si lui et moi ne sommes plus ensemble, je ne veux pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. Il a tenté de me protéger.
— De quoi ?
De moi-même.
J’ai perçu ces mots, bien qu’elle ne les ait pas prononcés.
— De bien des choses. C’était différent, alors.
— Quand tu prétendais être celle que tu n’étais pas ? Quand tu essayais de rendre tout le monde heureux ? As-tu jamais songé qu’il te protégeait moins qu’il ne t’empêchait d’avancer ?
Mon cœur a accéléré, mes muscles se sont tendus.
— Tu sais, a poursuivi John, j’ai eu une petite amie Mortelle.
— Ah bon ? s’est exclamée Lena, éberluée.
— Oui. Elle était chouette, et je l’aimais.
— Que s’est-il passé ? a demandé Lena, suspendue à ses lèvres.
— C’était trop difficile. Elle ne comprenait pas à quoi ma vie ressemblait. Que je ne choisissais pas forcément d’agir comme j’agissais…
Je n’ai pas eu l’impression qu’il mentait.
— Et pourquoi ne faisais-tu pas ce que tu voulais ?
— Mon enfance a été plutôt stricte. Camisole de force, genre. Même les règles suivaient des règles.
— Tu veux dire pour ce qui était de fréquenter des Mortelles ?
De nouveau, John a tressailli, mais pas pour les mêmes raisons qu’un peu plus tôt.
— Non, ce n’était pas ça. J’ai été élevé ainsi parce que j’étais différent. L’homme qui s’est occupé de moi a été le seul père que j’ai connu, et il ne tenait pas à ce que je blesse quiconque.
— Moi non plus, je ne tiens pas à blesser quiconque.
— Tu n’es pas comme ça. Nous ne sommes pas comme ça.
John a attrapé la main de Lena pour l’attirer à lui.
— Calme-toi. Nous retrouverons ta cousine. Elle s’est sûrement enfuie avec ce batteur de l’Épreuve.
S’il avait raison à propos du batteur, il se trompait sur son identité. L’Épreuve ? Lena traînait en compagnie de sales types comme John dans des endroits appelés l’Exil et l’Épreuve. Elle croyait mériter ça.
Elle n’a pas répondu, n’a pas lâché la main de John non plus. J’ai essayé de les suivre, en vain. Je ne contrôlais rien. C’était évident depuis mon drôle de point de vue, à ras du sol. Je les regardais toujours d’en bas. Ça n’avait aucun sens. Mais l’heure n’était pas à la réflexion car, derechef, je courais dans un souterrain sombre. Ou était-ce une grotte ? J’ai humé l’odeur de la mer, tandis que les parois noires défilaient.
Je me suis frotté les yeux, surpris de constater que je marchais derrière Liv au lieu d’être couché par terre. Il était dingue de penser que je pouvais être en train d’observer Lena dans un lieu quelconque tout en suivant Liv dans les Tunnels. Comment cela était-il possible ?
Les étranges visions avec leur curieuse perspective, les images qui me fonçaient dessus… Que se passait-il ? Pourquoi étais-je capable d’espionner Lena et John ? Il fallait que je résolve ce mystère. J’ai contemplé mes mains. Je ne tenais rien d’autre que l’Orbe Lumineux. J’ai essayé de me rappeler la première fois où Lena m’était apparue de cette façon. Dans ma salle de bains, et je n’avais pas la sphère, alors. Je n’avais touché que le lavabo. Il existait sûrement un dénominateur commun, sauf que je n’arrivais pas à comprendre lequel.
Devant nous, le sentier a débouché sur un hall de pierre vers lequel convergeaient quatre Tunnels.
— Par où ? a soupiré Link.
Je n’ai pas moufté, car, alors que je consultais l’Orbe Lumineux, j’ai découvert autre chose juste derrière.
Lucille.
Assise à l’entrée du souterrain opposé à nous, nous attendant. Dans ma poche, j’ai pris la médaille en argent que tante Prue m’avait donnée. « J’vois que t’as encore la chatte. J’attendais le bon moment pour la détacher de c’te corde à linge. Elle connaît que’ques petits trucs, tu verras. » En l’espace d’une seconde, tout s’est mis en place.
C’était Lucille, le dénominateur commun.
Les images qui défilaient à toute vitesse lorsque je courais retrouver Lena et John ; le sol si proche, trop pour que je sois debout ; le point de vue bizarre, comme si j’étais allongé sur le ventre. Tout était clair. Lucille ne cessait de disparaître pour réapparaître de façon erratique. Sauf que ça n’avait rien d’erratique.
Je me suis efforcé de me souvenir des fois où Lucille s’était volatilisée, les comptant une à une. La première vision s’était déroulée dans la salle de bains ; si je ne me rappelais pas que Lucille se soit sauvée, je savais très bien l’avoir découverte assise sur la véranda le lendemain matin ; or nous ne la laissions jamais dehors la nuit. La deuxième fois, Lucille avait déguerpi dans le parc Forsyth à Savannah et n’était revenue qu’après notre départ pour Bonaventure, après que j’avais vu Lena et John chez tante Caroline. Enfin, Link avait remarqué l’absence de la chatte quand nous nous étions réveillés, sauf que, maintenant, elle était là, juste devant nous, alors que je venais d’avoir une nouvelle vision de Lena.
Ce n’était pas moi qui voyais Lena.
C’était Lucille. Elle la traquait, comme nous le faisions à l’aide des cartes, de l’Orbe ou de l’attraction lunaire. J’épiais Lena à travers des prunelles de chat, peut-être de la même façon que Macon avait observé le monde à travers celles de Boo. Cela était-il concevable ? Lucille n’était pas plus une chatte d’Enchanteurs que j’étais un Enchanteur.
Quoique…
— Qu’es-tu, Lucille ?
Elle m’a fixé droit dans les yeux en inclinant la tête.
— Ethan ? m’a lancé Liv. Tu vas bien ?
— Oui.
J’ai jeté un regard plein de sous-entendus à Lucille, qui m’a snobé en reniflant avec grâce le bout de sa queue.
— Tu sais que c’est un chat ? a insisté Liv en me dévisageant avec curiosité.
— Oui.
— OK, je voulais juste m’en assurer.
Génial ! Non seulement je parlais à un chat, mais voilà que je parlais du fait de parler à un chat.
— Allons-y.
Liv a pris une profonde inspiration.
— Euh… à ce propos, je crains que ce ne soit impossible.
— Pourquoi ça ?
Elle m’a invité à la rejoindre là où elle avait étalé les plans de tante Prue.
— Tu vois cette marque ? C’est le portail le plus proche. Ça m’a pris du temps, mais j’ai fini par comprendre des tas de trucs à propos de cette carte. Ta tante a bossé sérieusement. Elle a dû consacrer des années à la mettre au point.
— Les portails sont référencés ?
— Regarde ! Tiens, ces trois P rouges entourés de petits cercles. (Il y en avait partout.) Et ces fines lignes rouges. À mon avis, ils sont plus près de la surface. Il y a une logique. Plus les couleurs utilisées sont sombres, plus nous nous enfonçons sous terre.
J’ai montré une grille de lignes noires.
— Donc, pour toi, ces Tunnels sont les plus profonds ?
— Oui, a-t-elle acquiescé. Et peut-être les plus Ténébreux. La notion de territoires de la Lumière et des Ténèbres dans le Monde Souterrain est innovante. Et sûrement très peu connue.
— Et alors ? Quel est le problème ?
— Ceci.
Elle a désigné deux mots qui traversaient la bordure la plus au sud de la plus grande page. L O C A S I L E N T I A. J’ai reconnu le second. Il ressemblait à celui dont Lena m’avait menacé si je refusais de garder le secret quant à ses projets de fuite.
— Cela signifie-t-il que le plan est trop silencieux, qu’il n’en dit pas assez ?
— Non. Plutôt que c’est là qu’il se tait. Nous sommes au bout. Nous avons atteint la côte sud et, par conséquent, avons débordé de la carte. Terra incognita. Terre inconnue. Tu sais ce qui suit logiquement : Hic dracons sunt.
— Ouais, je n’ai pas arrêté d’entendre cette phrase.
Naturellement, je n’avais pas la moindre idée de ce qu’elle racontait.
— « Ici sont les dragons », a-t-elle traduit. Ce que les marins inscrivaient sur leurs cartes il y a cinq cents ans, quand ils les achevaient alors que l’océan, lui, continuait de s’étendre à l’infini.
— Je préfère encore affronter des dragons que Sarafine, ai-je répondu.
J’ai contemplé l’endroit où le doigt de Liv tapotait le papier. L’entrelacs de Tunnels que nous avions emprunté était aussi complexe qu’un réseau autoroutier.
— Bref, et maintenant ? ai-je demandé.
— Je suis à court d’idées. Depuis que ta tante nous a donné ce plan, je n’ai cessé de l’examiner, et j’ignore toujours où se trouve la Grande Barrière. D’ailleurs, je ne crois même pas que cet endroit existe pour de vrai. Désolée. J’ai conscience de ne pas vous être très utile.
De l’index, j’ai suivi les contours de la côte, remontant vers Savannah, la ville où l’Orbe Lumineux avait cessé de fonctionner. La marque rouge indiquant ce portail-là était juste en dessous du premier L de L O C A S I L E N T I A. À force d’observer les lettres et les cercles rouges, j’ai eu l’impression de déceler le schéma manquant. Ça m’a fait penser au triangle des Bermudes, une sorte de néant où tout disparaissait comme par magie.
— Loca Silentia ne signifie pas que la carte se tait, ai-je murmuré.
— Ah bon ?
— Je crois qu’il s’agit plutôt de quelque chose comme « silence radio », pour un Enchanteur du moins. Réfléchis. Quand l’Orbe Lumineux a-t-il commencé à débloquer ?
— À Savannah, a murmuré Liv. Juste après que nous… (Elle s’est interrompue, a rougi.) Après que nous avons découvert le journal de ta mère dans le grenier.
— Exactement. Dès que nous sommes entrés dans le territoire qualifié de Loca Silentia, l’Orbe ne nous a plus guidés. Pour moi, depuis que nous avons pris la direction du sud, nous avons marché dans une espèce de zone d’exclusion aérienne surnaturelle. Comme le triangle des Bermudes.
Lentement, Liv a levé les yeux sur moi, soupesant mes paroles. Lorsqu’elle a fini par répondre, elle n’a pas réussi à dissimuler son enthousiasme.
— La couture ! Nous sommes sur la couture ! C’est ça, la Grande Barrière !
— La couture de quoi ?
— La frontière où les deux mondes se rencontrent, a-t-elle répondu en consultant son sélenomètre. Si ça se trouve, tout ce temps, l’Orbe Lumineux a été soumis à une sorte de surcharge magique.
Je me suis souvenu de tante Prue, de l’instant et de l’endroit où elle nous avait rejoints.
— Je te parie que ma tante savait que nous aurions besoin des cartes. Nous venions de pénétrer dans le Loca Silentia lorsqu’elle nous les a données.
— Sauf qu’elles s’arrêtent ici, et que la Grande Barrière n’est pas indiquée, a soupiré Liv. Comment sommes-nous censés la localiser, du coup ?
— Ma mère y était parvenue. Elle savait comment la trouver sans l’étoile.
Dommage qu’elle ne soit pas avec nous, même sous la forme d’une apparition spectrale constituée de fumée, de terre de cimetière et d’os de poulet.
— Tu as lu ça dans ses papiers ?
— Non. C’est un truc que John a dit.
Je n’avais pas envie d’y penser, quand bien même l’information était utile.
— Où sommes-nous, déjà, d’après le plan ? ai-je demandé.
— Juste ici, a répondu Liv en tendant le doigt sur un point.
Nous avions atteint la longue ligne incurvée qui suivait les criques de la côte sud. Des tracés d’Enchanteurs s’entremêlaient et se séparaient avant de se rejoindre sur la rive, pareils à des systèmes nerveux.
— C’est quoi, ces petits machins ? Des îles ?
Liv a mâchonné son crayon.
— Ce sont les Sea Islands.
— Pourquoi ai-je l’impression de les connaître ? ai-je murmuré.
— Je me pose la question moi aussi. Peut-être parce que j’ai trop observé cette carte ?
Possible. En tout cas, ces formes, ovales inégaux, tout en creux et en bosses, pareils à des nuages maladroitement tracés, me disaient quelque chose. Où les avais-je déjà croisés ? De ma poche arrière, j’ai tiré une poignée de feuilles, les papiers de ma mère. Il était là, le vélin coincé entre deux pages, sur lequel apparaissait un étrange dessin d’Enchanteur qui évoquait de drôles de nuages.
« Elle savait comment la localiser sans l’étoile. »
— Attends…
J’ai posé le papier presque transparent sur le plan. Un calque, aussi fin qu’une peau d’oignon sur la planche à découper d’Amma.
— Est-ce que…
J’ai fait glisser le vélin translucide jusqu’à ce que le motif qu’il présentait se superpose à ceux de la carte en dessous. La correspondance était parfaite. Sauf pour une île, qui apparaissait comme floutée et ne se distinguait que lorsque les deux cartes partielles se rencontraient. Sans les deux plans, les lignes avaient l’air de gribouillis dénués de sens. Mais quand on les ajustait l’un sur l’autre, on distinguait l’île.
Les deux parties d’une clé d’Enchanteurs, ou deux univers cousus ensemble dans un but commun.
La Grande Barrière était dissimulée au milieu d’une chaîne côtière Mortelle. Évidemment.
J’ai contemplé l’encre sur et sous le vélin.
Il était là. Le lieu le plus puissant de l’univers Enchanteur, se montrant comme par magie grâce à du papier et à de l’encre.
Caché et visible de tous.